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La boîte de Pandore
28 septembre 2020

MA NOUVELLE EVE

Ce portrait fait partie du lot de photos que j'avais trouvé un jour de pluie, près de mon lieu de travail dans le 14ème arrondissement de Paris. Ce portrait va de pair avec celui des parents de cette jeune beauté que je trouve parfaite. Et j'y vois la douceur du visage paternel ; elle semble tellement heureuse à ce moment de sa vie.

 

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David Bailey a dit ceci : "La photographie c'est la mort. Lorsque l'on regarde une vieille photo on se dit "Tiens, elle est morte celle-là. Lorsque l'on contemple un tableau, la réflexion n'est pas du tout la même". Comme si seule la photographie avait pour vocation de figer pour l'éternité l'existence d'un être jusqu'à son trépas. Et a fortiori le noir et blanc y contribue largement. C'est pourquoi j'ai décidé de travailler sur une série de vieilles photos en noir et blanc du siècle dernier en espérant secrètement que les personnages allaient se ranimer, passer du noir et blanc à la couleur, de la mort à la vie, de l'ancien au moderne. La photo contre l'oubli, une sorte de réactivation du passé de cette jeune femme dans une recomposition qui m'est propre. "La photographie est un art du temps et de l'espace" disait Lessing. Le fait de réactiver cette mémoire me donne l'envie d'en extraire cette "puissance résuctionnelle esthétique". Ma nouvelle Eve est une représentation fatasmée sur laquelle je travaille. La beauté de ce portrait ne fait que servir ce à quoi je le destine désormais : je lui demande de jouer un rôle, d'interpréter une autre réalité, basée sur une allégorie prophétique que vous découvrirez plus tard, lorsque j'aurais fini le travail que me demande cette création d'un autre genre.

Je vous livre étape après étape le travail réalisé à partir de ce portrait comme le "rhabillage", le choix des couleurs et surtout le parti-pris de cette transformation afin de donner à cette jeune beauté la possiblité de traverser les âges.

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Vous allez sûrement me demander pourquoi cette pratique aussi artisanale tandis qu'à l'heure du tout numérique, d'Instagram, mes collages sont loin de rivaliser avec les magnifiques photomontages réalisés à l'aide de Photoshop, entre autres. D'autant plus que contrairement à la technologie qui permet de réorganiser une photographie dans tous ses aspects, vraiment tous et rajouter divers éléments comme un arrière-plan pour la mettre en scène, pour ma part ce qui est fait est fait : une fois détourée il est trop tard pour revenir en arrière sur la photographie. L'acte de création est diamétralement différent de mon point de vue et je revendique ce côté artisanal qui me permet de me démarquer, de me différencier, espérant réaliser des créations originales sans ringardiser le support.

Il existe néanmoins une sorte de dichotomie entre art et artisanat, le premier supplantant souvent le 2ème. Aussi, comme je n'ai pas la prétention de créer des oeuvres d'art, qui ne sont par ailleurs estampillées comme telles que par le regard et le jugement des experts en art qui marquent de leur sceau ce qui mérite de l'être, je suis en réalité bien heureuse car bien loin de ces considérations. C'est pourquoi je me suis faufilée dans la sphère de l'artisanat au sens populaire du terme : celui qui crée quelque chose de ses mains en travaillant la matière. "L'esthétique au service du plaisir des yeux".

Comme l'a si bien résumé Marie Cécile Dufour El Maleh "l"oeil, la main et la pensée travaillent ensemble".

 Par aileurs, pour la compréhension du sous-texte de cette nouvelle création que je qualifie de re-présentation, de cette mise en scène, cette réinterprétation d'un mythe fondateur... j'avais besoin de remonter le temps. A la Renaissance, la philosophie platonicienne émerge à nouveau recherchant la vérité de la représentation. Celle que je vous invite à découvrir ci-après est simplifiée : pas de jardin d'Eden, de serpent s'enroulant autour de l'arbre de la Connaissance, de bestiaire spécifique au mythe biblique, de postures évocatrices de ma nouvelle Eve dans lesquelles on pourrait décrypter la chute, la concupiscence, la rédomption et son lot de mystères.

Dans cette re-présentation, le paradis terrestre se situe dans le hors-champ de la photographie, bien ancré dans un présent qui prend en compte dans son entièreté toutes les dimensions de la femme contemporaire telle que la société française en a photographié tous les contours et les composantes. Notons au passage que depuis des temps immémoriaux et d'un autre âge, elle (et ses consoeurs) est passée par le prisme de Mai 68 et la libération des moeurs, lorsque les revendications des femmes descendues dans la rue clamaient haut et fort leurs aspirations nouvelles portées par un vent de liberté. C'était une époque révolutionnaire car les siècles passés ont pesé de tout leur poids sur le mythe d'Adam et Eve.

A contrario, celle qui pourrait représenter ses pairs, aujourd'hui, a trouvé son paradis en faisant valoir ses droits de femme dans une société somme toute encore trop patriarcale, incarnée par le père, le mari, et l'amant. Pour schématiser. La nouvelle Eve s'est affranchie au fil du temps de la "hiérarchie des sexes et de la domination masculine dans le mariage" afin de prôner l'égalité entre les hommes et les femmes. "Le mythe d'Eve a alimenté 20 siècles de discours chrétiens sur les femmes". Ce même mythe biblique de la création "aurait pu être le maillon d'une démonstration visant à prouver que l'infériorité féminine est une construction culturelle. (Claudine Leduc, Eve & Pandora).

Ma nouvelle Eve ne s'en est pas laissé compter et a donc bousculé l'ordre établi, s'est émancipée, affranchie de toutes ces considérations bibliques d'un autre âge ainsi que du carcan social, patriarcal. Le vieux monde n'est plus. Aujourd'hui, ambitieuse, elle revendique sa place dans la société, elle occupe un job dans lequel elle s'investit, parfois avec de hautes responsabilités, elle se préoccupe de la planète et du réchauffement climatique, elle mange bio, planifie de futurs voyages et escapades familiaux en tenant compte de l'empreinte carbonne, pratique le yoga et la méditation et le reste du temps, ma nouvelle Eve s'occupe de ses chères têtes blondes, et de son Adam. Lequel, très occupé lui aussi par son quotidien, son job et le devenir de l'espèce humaine, cultive précieusement son jardin secret, garde un espace-temps, temps privilégié pour aller soulever de la fonte et suer sang et eau dans une salle de sport en compagnie de ses potes de toujours.

In fine, et après une fermeture à l'iris comme dans certains films, je pourrais dire : ils vécurent heureux et épanouis, eurent encore d'autres enfants, projets, joies et peines, et cette propension à aimer la vie et le genre humain.

La re-présentation de ma nouvelle Eve est tout ça à la fois. Affranchie, originale et bienveillante. A sa juste place dans sa capacité à accéder au bonheur.

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Commentaires
B
bsr, elle est jolie mais la perfection n'existe pas...
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