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La boîte de Pandore
1 juin 2023

INDIA'S STREET

 

 

Mon attirance pour l'Inde est ancienne et a marqué ma vie à jamais. Où plutôt devrais-je dire, ce voyage durant 3 longs mois à explorer du Nord au Sud et d'Est en Ouest ce pays a laissé des marques indélébiles dans mon cortex. Et des empreintes rétiniennes admirables. C'est comme si j'avais reçu un tatouage made in India dans tous mes organes, ma peau, mon cerveau. Mes 5 sens s'en souviennent encore !!!

J'aborde le sujet de l'Inde parce que ma toute dernière création se situe dans la lignée des photos anciennes noir & blanc pour lesquelles j'ai déjà posté des créations, photos que j'adore détourner pour les amener vers un ailleurs. Cette nouvelle création fait appel au street-art, que je traque partout où mon corps se déplace. Je souhaitais placer mes personnages devant un mur d'art urbain. Cependant, avant de trouver l'endroit idéal, je dois trouver le mur idéal et ensuite c'est comme de la couture sur mesure, j'essaie, je coupe, je re-coupe, j'enlève, je rajoute, j'ajuste, jusqu'à ce que tout s'emboite, s'assemble et finalement me ressemble.

Donc en dernier lieu, j'ai posé mes yeux sur les rues indiennes de New-Delhi en compagnie de Monsieur Google. Parce que l'art urbain, tel que nous le percevons aujourd'hui, n'existait pas tel quel il y a 15 ans. Pourant, l'Art se déployait et se déploie encore partout dans la rue où le regard peut se poser, d'abord sur les murs de la ville. Quand aux bus, ils sont spectaculaires et n'ont pas leur pareil. Même si les népalais ne sont pas en reste à ce sujet. D'autres supports utilisent l'Art. Je ne parle même pas des mandalas. Nous les avons découverts en Europe dans des magazines spécialisés en bien-être. Quoi de mieux pour destresser tout ce petit monde qui s'agite toute la sainte journée que de poser son regard et son attention sur un mandala et se laisser-aller à sa propre création en usant de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. A la différence près qu'en Inde, les mandalas sont dessinés à la craie à même le bithume, tandis que des petites pyramides de poudres de couleurs servent à remplir les vides et décorer les pleins, à créer toutes sortes d'arabesques et de dessins complexes qui s'achèvent en chef-d'oeuvre. En France, nous nous concentrons sur de pâles copies de dessins de mandala dans notre cahier d'exercices faute de mieux. L'original ne sera jamais égalé.

Depuis les années 2000, un collectif d'artistes de rue a décidé d'arpenter les rues de Delhi et d'utiliser les murs de la ville comme support. Et c'est splendide. Les rues ne sont plus grises et tristes mais colorées à souhait. Une de ses rues a attiré mon oeil avide de dessins et de riches couleurs. Il y a même un rickshaw, des passagers et je n'ai eu qu'à faire marcher mon imagination pour mettre en scène mes personnages afin de les embarquer dans une scène quotidienne de la vie indienne. Pour proposer au spectateur une autre réalité.

1ère ébauche :

la photo sépia

 

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Le mur et l'art urbain

 

EBAUCHE D'UNE POSSIBLE MISE-EN-SCENE

 

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Il m'était impossible de créer une mise en scène sans y placer en son centre une vache. Pas une artère, une ruelle sans en rencontrer une, voire tout un troupeau qui vous bouche littéralement le passage. Dans l'hindouisme, la vache est sacrée, donc omniprésente dans l'espace urbain. Ledit bovin est considéré comme sacré car "ce serait les brahmanes qui auraient peu à peu imposé cet interdit alimentaire afin d'attribuer une place sociale spécifique à chaque caste : celui qui mange du boeuf est un hors-caste, un intouchable. Cette sacralité de la vache indienne apparaît donc comme une construction à la fois religieuse, sociale et économique". Dans la mythologie indienne, la vache est l'animal "accompagnant Krishna et Shiva, les stars du panthéon hindou. En Inde, vous ne verrez jamais personne vitupérer, frapper ou contraindre une vache. Et elles le savent, elles déambulent dans la plus grande zénitude partout, dans les rues, sur les routes. Et lorsqu'elles ont faim elles passent de maison en maison dans l'espoir d'être sustantées avec quelques restes, et pour ce faire, elles n'hésitent pas faisant du porte à porte en toquant aux portes avec leur museau. J'ai un souvenir qui me vient à l'esprit, d'un voyage en bus assez long que nous avions fait de nuit quitte à perdre du temps autant le passer à dormir. Qui a pris un bus de nuit en Inde sait que les nuits ne sont jamais paisibles. D'abord les coups de klaxon si particuliers, stridents et insistants, puis les arrêts improvisés : le chauffeur arrête le bus, nous pensons qu'il fait une pause car il descend de son véhicule. A bien y regarder, une vache se tient en travers de la chaussée. Pas question de la brusquer, alors il lui tapote gentiment les flancs, bien maigres au demeurant. L'animal ne s'en laisse pas conter. Et pourtant, c'est bien ce qu'il va se produire. Le chauffeur va devoir palabrer durant plusieurs dizaines de minutes jusqu'à ce le bovin daigne se relever sur ses quatre fers afin de dégager la route. Incroyable pour un européen d'assister à pareil spectacle. Dans un tout autre genre, la semaine du 20 mars dernier, le conducteur d'un train doit soudainement freiner pour éviter l'animal sacré. Il a fait rouler le train à reculons sur une distance de 35 kilomètres, selon une défaillance mécanique pour la version officielle. En réalité ladite défaillance s'est produite sur la ligne ferroviaire reliant New-Delhi à Tanakpur parce qu'il y avait un intrus, une vache. Bien que les passagers aient tous été transportés sains et saufs à Tanakpur, le conducteur et un autre employé ont été suspendus par la Compagnie de Chemins de fer. Mais la vache n'est pas seulement sacrée, et un obstacle pour la circulation routière. Elle est vénérée aussi pour les produits qu'elle fournit : le lait et ses dérivés, le fameux lassi (lait fermenté), ainsi que le ghee (beurre fondu et filtré utilisé en cuisine), aujouté au riz quotidien puis dont on badigeonne les statues et que l'on jette dans le feu sacré lors des prières. Ainsi que le fameux chaï indien aux épices, que l'on goutte généralement lorsque l'on entreprend un long voyage en train, à chaque arrêt les porteurs de thé sont là et passent à travers les barreaux de la fenêtre le précieux nectar. Inoubliable. Pour ce qui est de la bouse, elle est mélangée à de l'herbe séchée avec laquelle on confectionne des galettes servant de combustible, pour faire cuire des chapatti, mais aussi pour entretenir les bûchers mortuaires, entre autres. Elle sert d'enduit sur les murs d'habitations en terre battue, dans les campagnes, afin d'éloigner les insectes et les scorpions. Même le sol en est recouvert. "Le mélange de ces  éléments est considéré comme purificateur pour l'âme et le corps, et nombreux sont les hindous qui les absorbent". Les vaches ont aussi un rôle d'éboueurs puisqu'elles dévorent tous les déchets, et j'en ai vu déchirer goulument à coups de langue les affiches sur les murs. Il n'est pas rare de se rendre compte qu'en découvrant les photos prises à une terrasse de café, une vache s'est invitée complétant le décor. Et pour finir," le meuglement de la vache en Inde est traduit par le son "mâ", signifiant "maman", et par extension la terre-mère nourricière, la source originelle de toute vie".

Pour ce qui est des enfants, ils n'échappent pas aux rites et traditions très ancrés dans un pays comme l'Inde. Durant la grossesse par exemple un rite de naissance à venir accompagne le 7ème mois, durant lequel la future maman est visitée par toute la famille qui lui apporte une offrande faite de sucreries et des fruits secs enveloppés dans du tissu rouge qu'elle placera sur ses genoux car il symbolise la chance. La naissance est accompagnée d'une cérémonie religieuse, puis viennent la sage-femme durant 10 jours, le prêtre pour une nouvelle cérémonie, suivie d'une grande fête organisée par la famille afin d'introduire le bébé au reste du village. Tous les indiens aiment les bébés et ne peuvent s'empêcher de leur toucher les joues dès qu'ils en voient un. Alors comme ils sont très mignons et qu'ils attisent les convoitises, les mauvais sorts, le mauvais oeil, on dessine un petit point noir sur le front ou la joue de l'enfant avec du kajal pour l'enlaidir et l'éloigner du mauvais oeil. (Tiens, je vais pratiquer ce rite la semaine prochaine au bureau). Et pour ne pas attirer la colère du Dieu, il n'est pas rare que la tête des petits garçons soit rasée à la fin de leur 1ère année pour faire une offrande au Dieu Balakroupi, et qu'avant de les apporter au temple, les cheveux soient déposés dans un tissu rouge.

Mais pour la future création qui se dessine peu à peu, rien de tout cela, juste un voyage à travers le temps, un voyage dans un ailleurs, ici et maintenant. Comme il vous plaira.

Cet engouement pour le spectacle urbain a bien une origine qui remonte à mon enfance et le théâtre de Guignol. Ma maman m'a maintes fois raconté qu'elle devait, une fois le spectacle terminé, m'arracher à ce lieu si particulier pour la petite fille que j'étais. Je croisais les bras, renfrognait ma tête et boudait sans discontinuer sur le chemin du retour. Avec mes souliers vernis poussiérieux et mes couettes. Une fois traversé le pont elle essayait de me distraire, me montrait les belles roses parfumées au-dessus de nos têtes. Rien à faire. Je voulais voir Guignol en hurlant "Je veux voir le petit bonhomme". Plus tard, après mes années théâtre, spectacles, j'ai voulu voir l'envers du décor et j'ai usé mes pantalons sur les bancs de la factulté Censier Sorbonne Nouvelle, Paris III, où j'ai étudié les Arts du spectacle, et notamment le théâtre, les marionnettes aussi et tant d'autres expressions artistiques. J'ai découvert à cette époque l'entrée des girafes de Royal de Luxe dans les rues de Nantes, à voir au moins une fois dans sa vie, compagnie juste exceptionnelle de talents, de technologies, d'imaginaire, de spectaculaire, je les aime ô combien ! Lorsque j'ai débuté mon mémoire de maîtrise notamment sur le théâtre de rue et l'espace de proxémie, j'ai beaucoup lu d'ouvrages sur le Moyen-Age, l'Art et le sacré. J'y ai appris comment les fidèles étaient témoins de l'évolution du culte divin dramatisé à souhait et mis en scène grâce à la participation des moines qui se sont prêtés au jeu en donnant corps aux personnages bibliques. Témoins aussi du passage du théâtre sacré au théâtre profane transitant du choeur de l'église au parvis, et sur les murs desquels furent adossés des tréteaux. Alors quand la ville favorisa les Confréries, les amuseurs publics aux multiples talents que l'on nommait jongleurs se regroupèrent sous ce titre, en s'inscrivant dans une forme de théâtre urbain aux allures plus satiriques. Ce fut en même temps le triomphe de la langue vulgaire sur le latin, et la naissance d'une forme nouvelle que les historiens théorisent sous le nom de théâtre moderne. Les artistes ont oeuvré pour la conquête de l'espace urbain ainsi que celle d'un public nouveau. Imaginez qu'au coeur du Moyen-Age, ledit public n'avait pour seules distractions que l'église et la rencontre de la peinture où la Passion du Christ se déployait sous forme de tryptiques, puis la place de grève où l'on exécutait sauvagement la populasse à coups de techniques très très médiévales des plus sordides possibles mais tellement spectaculaires. Quelques siècles plus tard, le public bourgeois parisien assistait aux pièces du répertoire et aux spectacles du théâtre du boulevard, dixit le boulevard du Crime (voir le film "Les enfants du paradis). Il est intéressant au cours de cette évolution de noter comment s'est opérée la transition d'un espace sacré à un espace profane, si riches et si différents, passant si facilement du dedans au dehors. Et c'est le théâtre institutionnel des années 1970 qui a opéré une rupture franche et nette entre le théâtre du dedans et le théâtre de la rue, investissant à nouveau l'espace public et renouant avec les traditions culturelles populaires. C'est sous le prisme de l'Histoire du théâtre que l'Art urbain est encore plus prodigieux, fabuleux. Je ne m'en lasserai jamais. J'ai ce don inné de m'émerveiller de  tout, enfin presque, car je peux être a contrario excédée par tant de spectacles dans la vie qui ne m'offrent que désolation et inquiétude. Alors je me remets vite à rêver à d'autres possibles, en me disant que la vie est belle à regarder si l'on est un tantinet optimiste, le regard toujours attentif et ouvert sur le monde. Tout en gardant une belle part de lucidité sur la réalité de la vie.

Alors oui, j'aime regarder le spectacle du monde que m'offrent en prime la littérature, la peinture, le cinéma, le théâtre, mais la rue est un univers tout aussi fascinant. Manque une seule chose, cet emblème figuratif qu'est le rideau commun à la peinture et à la scène de théâtre. La rue c'est le théâtre du monde où chacune, chacun est "acteur sur la scène du Monde, du théâtre du Monde, métaphore qui remonte à l'antiquité et qui fonde l'idée de la théâtralité, pas du théâtre. Au fond, il se passe la même chose avec le sacré : le religieux est présent même si les églises sont désertes. Le théâtral est présent même si les salles peuvent être vides" disait Georges Banu. Et combien cette phrase a une résonance si particulière aujourd'hui. Contrairement à mon univers professionnel si bureaucratique enfermé dans un système qui m'étrangle jour après jour, "l'Art échappe à tous les standards. L'Art est une expression libre qui ne supporte pas les contraintes d'un format". C'est cet amour de l'Art qui m'ancre dans un quotidien bien morne depuis une année en m'offrant des escapades. Je peux sortir de mon cadre, un de mes fantasmes en création, j'avais d'ailleurs vu une exposition sur les surréalistes et une peinture m'avait scotchée : le personnage sortait littéralement du cadre en bois. Quelle fantastique idée, un bon sujet de thèse : être hors du cadre. Le rideau pour la scène et la peinture mais aussi le cadre, la boîte toujours en ouverture vers le public. Jamais d'enfermement. L'inverse de ce que nous vivons actuellement et qui me rend complètement frapadingue. Je vis sur des montagnes russes, un jour je ris, le lendemain j'ai les larmes aux yeux car notre liberté chérie nous échappe. Alors échappons nous de notre enfermement grâce à l'imaginaire de la création artistique. Si diverse et exceptionnelle. La mienne est modeste mais suffisamment active pour imprégner toutes les cellules de mon corps, le meilleur bain de jouvence en stock sur le marché de l'art du moment.

Encore quelques ajustement dans la mise en scène avant le lever de rideau :

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 CES ENFANTS ONT DEPASSé LES BORNES, DU TEMPS....

Sans titre

 

 

 

 

 



 

 

 

 

 

 

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